Dans les temps des temps
Dans les temps des temps, il se fit une semaille de soleils et de reptiles dont nous ne saurions nous faire une idée. Nos têtes éclateraient rien que d'en entendre parler.
Puis, quand le fourmillement fut à souhait, apparut l'Homme, qui est, à la fois, un globe de lumière et une bête qui rampe.
Celui-là devait être le Semeur par excellence.
À la fin, nous savons que c'est un Pauvre qui devra tout accomplir ; et je pense, qu'à cette minute, il fait déjà tourner le monde sur son doigt, dans quelque taudis.
Telle est toute l'anthropogenèse, résumée en quelques symboles pour ceux qui peuvent comprendre.
Des saints ont affirmé
Des saints ont affirmé que si, par la permission divine, une âme pouvait être vue telle qu'elle est, on mourrait à l'instant, comme si on était jeté dans la gueule d’un volcan.
Oui, l'âme de n'importe qui, l'âme d'un notaire ou l'âme d'un anthropophage, nous consumeraient.
Voilà une étrange et inconcevable Espèce : l’Espèce humaine.
Une procession perpétuelle, un torrent d'astres plus incandescents que Sirius, Aldébaran, Altaïr, ou que cette effrayante étoile de la constellation d'Hercule vers laquelle notre Soleil se précipite avec une vitesse croissante…
De tels astres, absolument couverts de ténèbres, insoupçonnables, et qui ne se connaissent pas eux-mêmes : c'est de quoi se compose l'Humanité.
Des fournaises grandes comme des mondes, mais invisibles et ne se sachant pas des fournaises.
Il arrive un moment
Il arrive un moment où la méditation quotidienne devient une nécessité pour l'âme, comme c'en est une de manger pour nourrir le corps.
Elle nous apporte notre « Pain quotidien », le Pain de vie.
Il faut croire que cet Aliment surnaturel agit de lui-même, de façon mystérieuse, dans notre âme ;
et qu'un jour, après des décennies de pratique, on découvrira tout à coup qu'on est prodigieusement loin des commencements, et qu'on n’est plus du tout la même créature.
Il est enseigné que chaque homme
Il est enseigné que chaque homme est accompagné, de sa naissance à sa mort, par une Présence invisible qui veille attentivement sur son âme et sur son corps.
Cette Présence invisible se nomme la Sur-Âme, ou encore l'Âme Adombrante.
C'est la conviction universelle des occultistes.
Cette Compagne perpétuelle est à la fois une inspiratrice et une observatrice.
Les plus hautes pensées viennent par Elle, et ce qu'on nomme les reproches de la conscience, c'est Elle qui les fait entendre.
Elle sait ce que nous ne savons pas ; Elle voit ce que nous ne voyons pas ; Elle est toujours présente en nous et autour de nous, indiciblement respectueuse de notre liberté, connaissant la réelle grandeur de notre âme,- qui est l'un de ses fragments, et l’inconcevable dignité de notre corps,- qui est l'un de ses reflets.
Lorsqu'un homme s’avance dans la voie du mal, la Sur-Âme se retire silencieusement dans les lieux profonds de l’Ashram, et Elle coupe toute communication avec l’égaré.
Mais lorsque nous nous engageons sur le sentier de l’Amour, Elle peut devenir l'une des formidables Visiteuses de nos méditations, et c'est ce qui donne la plus confondante idée du génie humain.
Il y a des âmes que nous ne connaissons pas
Il y a des âmes que nous ne connaissons pas, que nous ne rencontrerons jamais dans cette vie, et qui pourtant nous sont plus proches que la plupart de nos proches, beaucoup plus proches en vérité.
Parce qu'il y a dans leur passé, et surtout dans leur mystérieux avenir, quelque chose qui correspond à notre destinée.
C'est ainsi qu'il faut concevoir toute l'histoire humaine, laquelle est un monstre étonnant pour la pensée, un incommensurable tourbillon d'âmes se précipitant les unes sur les autres dans un désordre apparent, mais divinement calculé.
Les grands dictateurs de notre temps
Les grands dictateurs de notre temps sont arrivés exactement où ils le voulaient ; ce sont les plus « parvenus » des hommes.
Cependant, nous savons le mal qu’ils cachent en eux avec tant de soin. Ils ressemblent à des fruits rongés de l'intérieur.
La Justice qu'on ne voit pas, Celle qui n'a pas d'huissiers, ni de gendarmes, a voulu que leur réussite, jugée souvent très insolente, fût payée très chère.
Ils endurent, chaque jour, même dans leurs palais, le tourment suprême ignoré de Dante, qui n'avait pas, en son 14e siècle, de monstres du même genre à placer dans son Enfer.
Ils ne peuvent jamais entrer en contact avec leur âme.
Nous avons deux visages
Nous avons deux visages ; notre visage humain, que nous contemplons chaque jour dans le miroir ; et notre visage surnaturel, la mystérieuse face de notre Moi profond, inconnue de tous et de nous-même.
Cette face n'a rien d'abstrait : elle a ses traits et sa physionomie ; un modelé qui lui est propre ; une figure qui n’est qu’à elle ; des expressions singulières ; un regard vivant et mobile.
Si vous voulez savoir à quoi elle ressemble véritablement, ne le demandez à personne, sinon à votre âme, qui vous répondra peut-être que vous êtes un fort agréable garçon, ou une gentille petite fille, mais qu'elle ne veut pas vous confier un secret de cette importance.
Nous avons un refuge contre le découragement
Nous avons un refuge contre le découragement, contre le doute, contre les mirages ; et ce refuge, il nous faut l'aménager pour qu'il nous reste toujours ouvert et hospitalier : c'est notre engagement dans le Service.
Voilà notre force. Si nous valons quelque chose, c'est par là.
Le Service, c'est la richesse du pauvre.
« Qu'as-tu fait de cette vie ? », nous sera-t-il demandé par notre âme aux approches de la mort.
Et nous pourrons répondre : « J'ai cru dans le Service ; je me suis accroché à lui, et je ne l'ai jamais lâché. Je ne me suis pas regardé, moi, mais je l'ai regardé, lui. J'ai maintenu mon engagement envers lui. J'ai même essayé d'en propager la flamme. J'ai tâché d'en stimuler le goût, exactement le goût, dans l'âme des autres. »
Le Service, c'est une grâce. Remercions notre âme de l'avoir mis dans nos cœurs.
Il ne nous revient que de l'entretenir, et c'est à quoi il faut que nous ne faillissions jamais.
Quand on nous présente un poème
Quand on nous présente un poème, un vrai poème, un grand poème, notre premier mouvement est de nous précipiter dans la direction de nos puits intérieurs, les puits de nos âmes.
Il y a celui de la Surprise, qui est sans margelle ;
il y a celui de la Gratitude, que l'on rencontre infailliblement aussitôt que l'on a eu le bonheur de croiser le premier.
Et il y a enfin celui de la Lucidité, insondable gouffre de lumière, que l'on ne peut jamais explorer de l'œil qu'à travers les très vieux mirages de l'humanité qui en masquent l'accès.
Savez-vous seulement ce qu'est la Grande Invocation ?
Savez-vous seulement ce qu'est la Grande Invocation ?
Les instructeurs qui vous guident ne sont capables de donner vie à ce qu’ils enseignent, qu’en s’appuyant constamment sur Elle.
C'est Elle qui leur donne le Rythme, le Nombre, et l'Inspiration.
En vérité, un instructeur n'écrit et ne parle que pour en paraphraser les Syllabe ; tout son enseignement n'est qu'un commentaire caché de ses Stances.
Si l'on pouvait échanger toutes les philosophies du monde et toutes les religions contre une seule Grande Invocation, prononcée de toute son âme par un mendiant au bord d'un fossé, le monde s'en trouverait immédiatement transfiguré.
Un être humain qui s'incarne
Un être humain qui s'incarne, ça n'a l'air de rien quand on le voit arriver tout bébé ,
mais c'est d'abord un risque tout, un casse-cou, un cascadeur, un amateur de sensations fortes.
Il faut de l'audace pour naître ; pour venir dans ce monde redoutable. Et puis, il faudra encore plus d’audace pour en sortir, pour oser mourir !
Nous sommes tous un peu des têtes brûlées ;
en tout cas, c'est ainsi que nous sommes perçus dans l’Invisible.
Vive le bon sens !
Vive le bon sens ! Les Maîtres, autant qu'il nous est permis de les connaître, y voient le plus bel attribut.
Les spéculations cosmiques, toutes jubilantes de certitude, des mystiques illuminés ou des vieux concombres de l'occultisme ne font probablement que leur arracher des sourires.
Croit-on leur rendre hommage, avec ces montagnes d'obscurités accumulées, qu’on se flatte ensuite de gravir ?
Ne serait-il pas vraiment plus simple et plus sain de dire : « Le monde est trop grand pour moi. Je ne sais rien, sinon que j'espère y servir, à la place où je suis. » Et puis, faire sa tâche quotidienne, humblement, en ayant confiance.
C'est là, la vraie attitude. Tout le reste est orgueil et délire de l'esprit.