Les Épîtres de JDR
Cette page regroupe les 13 Épîtres envoyées par JDR depuis la crise du Covid-19
De la 1ère à la septième épître
Je confie à votre intuition ces images inspirantes.
Chacune d’elle cache dans son sein et au centre même de sa signification le germe d’une réalisation grandissante.
Mon objectif, dans cette communication et dans celles qui vont suivre au cours de l’étrange période que nous vivons, est de vous aider à entrer quelque peu dans la « zone de promesses » dont dépend tout espoir spirituel.
Votre instructeur attentif.
JDR
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Elle vous conduit jusqu’à un Temple en plein air, avec des colonnes et des statues,
– où viennent parfois se poser des oiseaux d’une espèce inconnue.
Au centre, en plein air, une vingtaine de méditants – Les instructeurs -. Devant le front de chacun d’eux, plane un symbole.
Au loin, une Croix de Gloire immense se dresse au milieu d’une mer éblouissante de lumière.
Les méditants cherchent à entrer en contact avec Elle (et certains points de la Croix).
Ils sont plongés dans un état méditatif et invocatoire intense.
Allez-vous mêler à eux (vous n’êtes certainement pas seuls à le faire).
– et aidez-les, assistez-les de la façon qui vous vient…
Sachez que l’Ashram vous enveloppe constamment de sa radiation.
Votre instructeur attentif.
JDRRevenir au début de l'Epître
Bonnes méditations.
Votre instructeur attentif.
JDRRevenir au début de l'Epître
Un mot de conclusion, avant notre traditionnel intermède d’été :
Nous vivons au sein d’un univers tout à la fois mystérieux et complexe. Tant de choses nous échappent !… Avons-nous une destinée ? Sommes-nous libres ?…
Quel ennui de ne pas tout savoir, – mais aussi quel ennui si nous savions tout !
Bonnes et studieuses vacances castaliennes.
Votre instructeur attentif.
JDRRevenir au début de l'Epître
De la huitième à la treizième épître
Un mot, tout d’abord, de l’état actuel de notre Réseau, toujours en suspens. La bonne nouvelle est qu’une réunion plénière des instructeurs est prévue pour le mois de mars 2021.
L’horizon s’éclaircit.
Il s’éclaircit, en particulier, grâce à l’émergence des nouvelles techniques de vaccination qui devraient permettre d’en finir avec cette pandémie.
Certains s’interrogent à propos de la vaccination. Voici ce qu’on peut en dire, du point de vue de l’âme.
J’en reviens à notre Réseau, à nos Mouvements.
Ces « techniques supérieures » sont là, maintenant, devant nous !
Elles viennent d’émerger sous la pression des circonstances.
Ce sont celles que nous appelons, entre occultistes, les techniques de « pédagogie cellulaire », ou « d’éducation cellulaire »,- en jargon savant : « d’ARN messager ».
Elles présentent, entre autres choses, l’avantage de n’utiliser aucun adjuvant. D’où leur très haut degré d’innocuité. On sait, en effet, que la plupart des problèmes posés par les anciens vaccins, provenaient des adjuvants utilisés pour déclencher la réponse immunitaire de nos cellules, en provoquant chez elles la perception d’un danger !
Il y a autant de différence entre les nouvelles techniques de vaccination et les anciennes, qu’il y en a entre le dressage d’un animal au moyen de la peur, et sa domestication par un apprentissage adapté.
De surcroît, les vaccins à ARN sont spécifiquement aquariens. Aquariens en ce sens qu’ils « dématérialisent » le virus en le ramenant à une information. Aucun morceau du virus n’est injecté dans l’organisme, aucun fragment. Ne lui est présenté que le code, le « numéro de fabrication » de la protéine en forme de ventouse qui permet au virus de se fixer sur nos cellules. Celles-ci, convenablement informées, détectent aussitôt le harpon menaçant, et le neutralisent.
Il aura fallu à l’humanité cette confrontation avec une crise exceptionnelle, et toute la mobilisation mentale qui s’en est suivie, pour qu’elle se hisse au niveau de ces techniques nouvelles. Ce qu’elle serait parvenue à faire avec le temps, mais beaucoup plus tard et beaucoup plus laborieusement.
On ne peut que ressentir une certaine fierté à l’idée d’appartenir à une espèce qui démontre de telles capacités de réaction face à l’adversité.
Le risque actuel, à mesure que le temps s’écoule, est celui d’un certain « affaissement intérieur »; d’une perte de substance, d’une « déminéralisation ».
Afin de contrer cette menace, les responsables du Réseau vous proposent la méditation suivante, qui vise à soutenir leurs efforts pour conserver intact le potentiel spirituel qu’il renferme.
Une barque au bord d’une étendue d’eau…
Seul, ou accompagné, vous montez dans cette barque et commencez à ramer en direction d’une île dont les côtes se dessinent au loin.
D’autres barques convergent vers la même destination.
Vous abordez les rivages de l’île.
En posant les pieds sur la grève, en prenant contact avec son sol, vous sentez certaines parties de votre corps qui réagissent,- des centres qui s’animent.
Au milieu des grands pacaniers verdoyants, trouvez votre chemin jusqu’à un temple en plein air,- temple à ciel ouvert, qui vous est familier, avec ses colonnes et ses statues.
Des hommes sont là, vêtus de blanc, assis en demi-cercle sur des exèdres de pierre.
Ce sont des instructeurs en méditation; chacun ayant son symbole qui flotte devant le front.
Ils sont en contact avec une mer infinie d’énergie. D’énergie vierge de tout mirage, étendue clairement devant eux.
Y flottent des nappes plus denses, se caractérisant par des nuances de couleur différentes.
Par leur méditation, ils cherchent à entrer en relation avec certaines de ces nappes, afin d’y puiser ce qu’il leur faut d’énergie pour entretenir la vitalité des Mouvements dont ils sont responsables…
Prenez place parmi eux.
Associez vous à eux, de la façon qui vous paraît la plus naturelle et la plus opportune.
Afin de donner davantage de « chair » à votre présence, notez les effets qui se manifestent à ce moment-là dans le corps. Soyez attentifs à l’épiderme… Le reste – en profondeur – suivra… Le psychique emboîtera le pas du physique.
Vous pourrez pratiquer cette méditation durant toute la période qui nous sépare d’un retour au Forum, et cela au rythme qui vous conviendra.
Notre ambition est que le Réseau auquel nous appartenons redevienne ce qu’il était avant la pandémie : une entité vivante, solidaire et créative.
Votre instructeur attentif.
JDR
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Préparons spirituellement Noël.
– Adeste fideles laeti triumphantes –
Enjambons les jours qui nous séparent encore de la pleine Lune des Gémeaux, et tournons-nous vers cette Fête du Christ qui nous attend au prochain printemps.
Pour cela, je vous invite à laisser cheminer votre imagination sur les sentiers suivants :
Sentons l’extraordinaire intensité qui s’en dégage.
Au cœur de cette Nappe, où se réunissent les cerveaux les plus sensibles construits par la nature, s’allume un point d’incandescence.
Ne perdons pas de vue cette ligne pourpre de l’avenir : L’Hiranyagarbha est là !, l’embryon d’or, comme une puissante graine de lumière, comme un œuf d’or niché dans les replis de la Noosphère.
Cet ovoïde rayonnant sera l’agent de revitalisation de l’humanité, en communiquant à celle-ci un nouvel élan et une nouvelle impulsion…
7000 ans de Raja Yoga nous séparent encore de ce moment où l’Hiranyagarbha paraîtra.
Mais qui pourrait douter que son éclosion complète ne nous conduise finalement à des sommets inimaginables de compréhension mentale et spirituelle, avec des possibilités d’expérience et d’action qui dépassent tout ce qu’on pourrait rêver ?
Il ne fallut pas moins que les labeurs effrayants et anonymes de l’homme primitif, et la longue épopée égyptienne, et l’attente inquiète d’Israël, et le parfum lentement distillé des mystiques orientales, et la sagesse cent fois raffinée des Grecs, pour que, sur l’Arbre de Jessé, la Fleur christique puisse enfin éclore… Éclore sur cet Arbre dont la vraie forme est une croix.
Des Castaliens regardent les Croix !
Je vous convie tout d’abord à une approche visuelle de ces Croix; et à percevoir la manière dont elles se transforment continûment les unes dans les autres, sous l’effet de l’évolution.
N’oublions pas que chacune nous fait émerger dans des zones de conscience toujours plus hautes, et que le « courant de Grâce » lancé par le Christ, lors du premier Noël, continue de se propager à travers Elles… Et que c’est à travers Elles, encore, que s’exerce l’Attraction positive du « Centre des centres » au cœur de la Hiérarchie.
Première partie.
Voyez la Croix mutable sous la forme d’une croix toute blanche avec un cercle d’or entourant son centre. A l’intérieur de ce cercle, tourne une svastika vermillon, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Veillez à ce que votre svastika ait ses « ailettes » orientées correctement : sur la branche horizontale, à gauche : crochet vers le bas ; à droite, crochet vers le haut. Sur la branche verticale : en haut, crochet vers la gauche; en bas, vers la droite.
La svastika, d’abord rapide, ralentit progressivement.
Puis elle s’arrête tout à fait.
Se met à pâlir.
S’efface peu à peu,
Et enfin disparaît.
Ne subsiste que l’anneau, au centre duquel un point incandescent s’allume : voici devant vous la Croix fixe !
Le point de feu s’embrase, éclate, et finit par volatiliser l’anneau qui l’entourait.
Puis le feu libéré incendie toute la Croix,- qui n’apparaît plus qu’à travers une langue de flamme l’enveloppant toute entière : voici la Croix cardinale des cieux.
Pour ceux qui souhaiteraient ajouter l’audition à la vision, rappelez vous que le son de la Croix mutable est M, semblable au bruit de la mer. Celui de la Croix fixe est O, ou o-méga : le » grand O » de l’Ouverture… Enfin, celui de la Croix cardinale est O-M : le MO(t) de l’âme, tendue vers la MOnade.
Deuxième partie.
Il est temps maintenant de marcher vers ces Croix.
…. Une plaine…
L’herbe est un velours sous vos pas.
….Paysage et décor de Nicolas Poussin; lumière de Claude Lorrain.
Non loin, une colline en pente douce.
Sur cette colline, trois Croix.
Montez la pente de la colline.
Allez d’emblée vous placer devant la Croix fixe.
– « Croix qui réconforte autant qu’elle éclaire » –
Sentez que votre centre cardiaque entre en résonance avec le point incandescent, et qu’une fibre invisible le relie à lui…
Alors votre cœur s’échauffe et se dilate.
Vous en concevez un sens très fort de solidarité envers tout ce qui vit.
Placez vous devant la Croix cardinale, dont l’incalculable puissance s’impose à vous.
Approchez lentement de ce Brasier.
Sentez sur tout le corps la chaleur qui s’en dégage; sur votre peau, son souffle brûlant.
Approchez au plus près.
Sentez, alors, que cette Croix ardente fait fondre en vous toutes les vieilles choses qui vous encombrent encore dans votre marche en avant : vieilles attaches, vieux jouets…
Sentez que cette croix enflammée consume vos vanités.
Par la chaleur méditative ainsi générée, il devient possible d’entrer dans « le mystère de la quatrième Croix ».
La forme de cette Croix est précisément celle de la dernière lettre qui en compose le nom : X
C’est la Croix du « Sauveur inconnu », du Messie X…
En Occident, elle est connue comme étant la « Croix de saint André ».
Or André, en grec, c’est l’Homme; et cette croix, à bien y regarder, en la décomposant, est une image de l’homme complet :
les bras largement ouverts vers le ciel: V
et les jambes solidement plantées sur le sol: ʌ
Cette quatrième Croix est donc celle de l’Homme accompli, qui est à lui-même son propre « Sauveur ».
Bonnes méditations.
Votre instructeur attentif.
JDR
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« Scintille, ô ma chauve-souris !
Que fais-tu dans le soir tout gris ? »
(Alice au Pays des merveilles)
Clartés aquariennes
Il n’est pas douteux que le monde traverse aujourd’hui une grave crise de peur, qui ne l’honore pas. On pourrait aller jusqu’à parler d’une « nuée de peurs et de fantasmes » qui obscurcit la vision. Une nuée propagée et amplifiée par la « Toile » : par ces réseaux asociaux où règne – pour parler comme Rabelais – « l’hostile erreur qui tant postille ».
Rien de bon ne peut sortir de ce cosmos en expansion, – de cet univers anonyme où l’on chasse en meute et pense en boucle. C’est la Cacosphère : extraordinaire exposition de toutes les variétés et nuances de la sottise, monde des passions basses et des bavardages ineptes, directement relié aux égouts du subconscient.
La Cacosphère, ou l’extension du domaine de l’insulte.
Tâchons d’écarter un peu cette nuée d’émotion générale qui brouille la vision des événements.
En cette période de transition astrologique, le monde est troublé, les esprits sont désorientés. Beaucoup ont le sentiment d’une perte de repères, que leur propre existence leur échappe, que le sol sous eux se dérobe. Ils ne voient partout que détresse et désordre ; que justice bafouée, que bon droit trahi, que mensonge et duperie… De là cette prolifération d’idées bizarres qui envahissent les cerveaux.
Pour redonner sens au chaos, il faut trouver des responsables du chaos – et, si besoin, en inventer (« L’Etat profond », « les Illuminati », « L’oligarchie ploutocratique internationale » – « vade retro », Bill Gates !).
Les spécialistes qui se penchent sur les phénomènes complotistes expliquent ainsi l’émergence de nouvelles croyances. L’homme a toujours eu besoin de croyances, mais la particularité de ces dernières est d’être fortement assombrissantes – voire cauchemardesques. Elles incarnent les terreurs enfantines d’adultes en pleine phase de régression, et ne supportant plus la complexité du monde. « Le degré de maturité d’un homme, disait Kant, se mesure à la quantité d’incertitude qu’il est capable d’accepter »….
Il n’est cependant pas tout à fait exact de dire qu’en période de transition astrologique « le monde change ». Ce qui change, pour employer la formule de Wallace Stevens, c’est le sense of world, le sentiment du monde. Il y a là bien plus qu’une nuance.
L’astrologie ésotérique nous a appris qu’il existait deux sens de parcours autour du Zodiaque. Il y a donc deux manières d’entrer subjectivement dans l’ère du Verseau, – et notre « sentiment du monde » en découle.
Ceux qui y entrent dans le sens de la marche, percevant un avenir devant eux, se montrent sensibles à certaines promesses. Ceux qui y entrent à reculons, le regard tourné vers le passé, ne peuvent être sensibles qu’à des détresses.
Les premiers perçoivent des espaces qui s’ouvrent ; les seconds se figurent des menaces qui se referment.
Est-ce à dire qu’il n’existe nulle menace et qu’il n’y aurait aucune détresse ? Les hommes qui entrent en avançant, les yeux ouverts, n’ont pas la candeur de le croire : ils demeurent attentifs ; ils savent que » le corps agrandi de l’humanité nécessite un supplément d’âme » (Bergson). Mais leurs frères qui entrent à reculons accordent à ces menaces des proportions sans aucune mesure avec leur taille réelle, gonflées qu’elles sont, à leurs yeux, par leurs propres obsessions et leurs propres fantasmes. Ces derniers, entrant dans le Verseau la tête à l’envers, amassent en eux de telles nuées de colère, qu’ils en viennent à perdre plus ou moins la raison. Facit indignatio stultitiam.
Les mêmes troubles que nous vivons aujourd’hui ont été vécus par ceux qui ont connu la transition précédente : il n’y a pas de transformation sans tumulte ; et la vie n’avance jamais sans broyer du vivant.
Il y a deux mille ans, lors de la dernière transition astrologique, un Juste parmi les justes, un Sage, sur une butte chauve, était ignominieusement mis à mort entre deux malfaiteurs. Si nous en croyons les témoins de l’époque, ce fut aussi un épisode de chaos : « La terre trembla, les rochers se fendirent, les sépulcres s’ouvrirent ». – Nous n’en sommes pas là.
Tout était chamboulé, comme aujourd’hui. Ceux qui s’avançaient dans le sens de la marche, en restant debout (« Stabant »), n’en contemplaient pas moins une Promesse. Par-delà ce chaos, leurs yeux distinguaient l’horizon d’un monde nouveau ; leurs oreilles percevaient les notes d’une « Bonne Nouvelle ». Ils avaient, comme dit saint Paul, « l’intelligence des choses invisibles ». La petite fille espérance marchait devant eux sur le chemin raboteux (« Cette petite fille espérance qui n’a l’air de rien du tout » : Péguy).
D’autres, s’avançant au contraire à contre- saison, à contre- marche, à contre- cœur, ne faisaient que pleurer, que gémir et se lamenter. Ils se répandaient en imprécations contre les « responsables » du chaos : le pouvoir romain ; les comploteurs juifs qui avaient délibéré sur les moyens d’arrêter Jésus par ruse ; et le sombre Judas Iscariote : Vade retro !
Lequel de ces deux groupes était-il porteur de l’avenir ? duquel de ces deux sont sortis les bâtisseurs de notre civilisation ? Qui détenait les germes du renouveau ? qui, la puissance séminale ?…
Il demeure une question de fond : pourquoi les thèses complotistes prospèrent elles en tout temps avec une telle facilité ? Souvenez vous des bullshits du défunt vingtième siècle : le mythe des « deux cents familles » et du « Mur de l’argent » ; la conjuration judéo-maçonnique et les Protocoles des sages de Sion, … Il s’en trouvait même pour penser et dire, dans les années 1939 -1940, » que tout était mensonge dans cette guerre, que Hitler était une invention des profiteurs, des ploutocrates et des marchands de canons » (Propos rapportés par Romain Rolland dans son Journal) … Quelle étrange ressemblance avec notre actualité ! Mettez seulement « pandémie » à la place de « guerre », et remplacez « Hitler » par « coronavirus ». Quant aux « marchands de canons », ils semblent s’être opportunément reconvertis en marchands de vaccins… Le complotisme a lui aussi ses variants.
Maintenant, pour répondre à notre question, il est intéressant d’invoquer la loi de Brandolini, selon laquelle « la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter une information mensongère est d’un ordre de grandeur très supérieur à celle qu’il a fallu pour la propager ». C’est peut-être ce qui explique que le mensonge ait partout la part si belle et triomphe si communément. C’est aussi parce que ceux qui adhèrent à ces thèses y trouvent leur compte : il y a quelque chose d’excitant à imaginer des complots, quelque chose de valorisant à penser qu’on participe à leur dénonciation, – tandis que la simple vérité est souvent attristante de banalité ! … Les économistes ont depuis longtemps observé que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». Il en va de même dans le domaine de l’information où les fausses données chassent aisément les bonnes. Voilà pourquoi les vérités les plus évidentes véhiculées par les chaînes de télévision ne provoquent plus qu’ire et ricanement de la part des croyants conspirationnistes, dont l’esprit est resté définitivement englué dans la Toile. Ils n’y voient plus que « propagande » relayée par des journalistes « collabos ». Eux, bien sûr, sont des résistants ! Résistants, ils le sont en effet, mais à toute thérapie.
Terminons toutefois par une constatation rassurante.
Les tenants des complots ne forment qu’une insignifiante minorité. L’illusion de leur nombre vient de ce qu’ils postillonnent beaucoup. L’illusion de leur force vient de ce qu’il est impossible de les raisonner : quoi que ce soit que l’on dise, qui n’ira pas dans leur sens, qui ne sera pas en étroite conformité avec ce qu’ils pensent d’avance être la vérité, sera d’avance tenu pour erreur. Leur opinion est faite ; ils n’en changeront plus. Ils ont définitivement basculé dans un monde parallèle.
Ces malheureux s’imaginent – non sans une certaine pointe d’orgueil – disposer d’une indépendance d’esprit qui leur permet d’échapper à ce qu’ils dénoncent comme des « manipulations ». Tout repose chez eux sur une double méprise, sur un double mépris : le petit peuple est naïf et endormi (mais pas eux, bien sûr, pas eux, – qui sont woke et qui ont percé à jour les machinations !) ; et tous les puissants, tous les représentants de la richesse, sont des intrigants.
Ainsi se flattent-ils de se soustraire à la « pensée dominante ». Mais ce qu’ils appellent la pensée dominante n’est pas autre chose que la pensée raisonnable, partagée par l’immense majorité des personnes de bon sens, – par le « petit peuple ». Nous savons, en effet, depuis Descartes, que « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ».
Quant à leur pensée proclamée indépendante, elle est tout bonnement le fruit d’un conditionnement, dont sont responsables les sites qu’ils choisissent de consulter. Ils y passent le plus sombre de leur temps, et se laissent peu à peu enfermer à leur insu dans ce qu’on appelle des « bulles de filtre ». Là, des algorithmes cachés leur servent la soupe qu’ils désirent avaler, en sélectionnant discrètement les contenus adaptés à leur profil. C’est avec délice qu’ils s’y abreuvent, afin de donner un aliment à leurs croyances et des vitamines à leurs obsessions. Si bien que ceux-là mêmes qui pensent que tous les hommes sont manipulés, en arrivent à être les plus manipulés de tous les hommes. Et les voilà navigant de sites désinformateurs en blogs farfelus. Blogs remplis des amphigouris de gourous sortis de nulle part : soi-disant chercheurs, inconnus du monde de la recherche; « universitaires » sans titres ni publications; théoriciens lunaires, suspendus dans la corbeille de Socrate; faussaires intellectuels qui s’emploient à fausser les esprits, et souvent liés entre eux par les mêmes cordes de potence, sur lesquelles il n’est pas rare de trouver des traces d’ADN russe.
Les fréquenteurs de ces univers parallèles ont un mode de fonctionnement commun : incapables de supporter les incertitudes liées à la complexité du monde, ils tentent de museler leur angoisse en instruisant à charge contre le monde. Ainsi que font les jurys dans l’univers inversé d’Alice, ils mettent la sentence avant le jugement. Et leur sentence est que notre monde est un monde criminel, gouverné par des criminels. Ils s’engouffrent dans cette hypothèse, ferment toutes les autres pistes, ne se donnent même plus la peine de chercher ailleurs de possibles lumières, ni d’écouter les avocats de la défense, considérés par eux comme des mazettes ou des complices.
Ce que disent ces avocats ? Qu’entre différentes hypothèses, la raison nous recommande de choisir la plus simple. C’est le vieux principe du « Rasoir d’Occam »… Aux dérèglements d’une société, il sera donc toujours plus raisonnable, et plus sage, d’attribuer pour origine de simples déficiences humaines et des balourdises politiques (dont personne ne songe à nier l’affligeante banalité), plutôt que de complexes et tortueuses machinations.
Résumons et concluons.
Il existe une pensée raisonnable, qui rallie les suffrages aussi bien des masses que des élites éclairées ; et, autour d’elle, surnageant, quelques bouffées délirantes sécrétées par des esprits ou malheureux ou malveillants. … Paul Valéry nous a appris qu' »un fait mal observé est plus perfide qu’un mauvais raisonnement » ; ils ont réussi, quant à eux, à conjuguer des raisonnements boiteux avec des observations biaisées.
Soyons sereins : l’air pur du Verseau, pénétrant à grands courants dans notre atmosphère, aura tôt fait de balayer tous ces miasmes. Et leurs derniers diffuseurs nous ferons de gros rhumes.
L’avenir des illusions n’est pas brillant !
Je vous adresserai prochainement une onzième épître, épître du onzième signe, comprenant de nouvelles pensées-semences, des réflexions sur les Mystères, ainsi que quelques propositions pour le temps de l’été.
Votre instructeur attentif et vigilant.
JDR
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Épître pour l’été.
Préambule.
Ouvrons tout d’abord cette Épître par une réflexion au sujet de la Croix. Nous resterons ainsi dans l’ambiance de notre dernière méditation collective.
On doit bien se persuader que la mise en Croix du Christ possédait un caractère de nécessité mystique.
La Croix était inséparable de son Enseignement ; elle venait le parachever, et parachever sa mission.
C’est vers la Croix que, dès la Crèche, s’acheminait l’Enseigneur du monde.
Imaginons un autre scénario : un Christ bien accueilli par les hommes, convertis aussitôt à sa parole ; un Christ qui ne parviendrait pas à se faire crucifier ! et qui, du coup, raterait sa mission… Uchronie absurde.
A - Poursuivons par une petite poignée de pensées-semences :
Examinez ces semences en vous entourant d’un harmonieux silence, où la pensée peut se dévider sans rupture. Renouvelez vos tentatives : on n’obtient rien de valable sans une longue continuité dans l’effort.
B - Petit précis d’apprentissage de la vision.
Mallarmé disait : « Je ne me place pas devant les choses pour essayer de les décrire, mais pour essayer de savoir ce qu’elles veulent dire ».
Cette expression, à la prendre au sens propre, est très inspirante : elle exprime une certaine volonté des choses. Il s’agit de saisir cette volonté secrète : un arbre, une fleur, un tableau, qu’est-ce que ça veut dire ? qu’est-ce que ça veut nous dire ?
J’observe un arbre ; je reste un long moment dans l’admiration de ses formes : il se dresse devant moi, exprimant une sorte d’intention mystérieuse.
Il m’interpelle et me provoque : « Tâche d’élucider le message que j’ai pour toi ; de résoudre l’énigme de vie que je te propose ». C’est comme une injonction, une espèce de sommation. Cet arbre qu’est-ce qu’il veut me dire ?
L’intuition poétique de Claudel lui a permis d’en faire l’expérience : voici Tête d’Or, contemplant un arbre :
« Ô père immobile ! ô murmurant !
Fais-moi part de ce Mot dont je sens en moi l’effort. »
Et de même, Proust, l’hypersensible, devant ses aubépines : « Elles semblaient, par leur attitude naïve et passionnée, vouloir s’exprimer, me dire leur secret. »
Ce même Marcel qui nous parle de « la ligne courbe et fuyante des arbres expressifs et muets »…
J’examine ce tableau : je cherche le point lumineux, d’une particulière intensité, qui est le pivot de sa composition, ce point lumineux qui ouvre une lucarne vers une voie supérieure, vers des dimensions intérieures : ce tableau, qu’est-ce qu’il veut dire ? qu’est-ce qu’il veut me dire ?
Finalement, on pourrait aller jusqu’à considérer qu’on ne regarde jamais un tableau : on se regarde, on se découvre à travers un tableau.
Il faut donc s’appliquer à voir ; à voir plus qu’on ne voit par habitude. Et puis savoir s’arrêter, savoir attendre, – et accepter tout ce qui risque de se présenter.
C - Mystères.
Une fois encore, les événements de l’histoire semblent échapper à la volonté et à la prévision des hommes. Qui pouvait imaginer que le « ticket d’entrée » dans l’Âge du Verseau se révèlerait d’un coût si exorbitant ? Que le fond de piscine de l’Âge des Poissons pouvait contenir un virus aussi âcre ? Dans les durs temps présents, élever les regards est donc le meilleur remède que l’on puisse proposer aux hommes. « Lève la tête, ô disciple ! que la grande rose de lumière tourne à ton front serein. » (Stances du Livre des Soleils)
Se complaire dans la plainte et la complainte nous rend complice du malheur. « Il y a en nous de déplorables ténèbres qui nous dérobent la vue de nos virtualités profondes », disait saint Augustin. En mettant fin à la plainte, il se fait comme une trouée à travers ces ténèbres, – et tout s’éclaire.
Pour aider à cette élévation des regards, je vous propose d’entrer dans ce que les occultistes appellent « Les Mystères de la Fleur d’Or ». Une entrée par des Portes, qui sont celles de la couleur et du nombre.
– Mystères de la Couleur et du Nombre ! –
Les voici :
Pour aborder ces Mystères, et les explorer, je vous suggère d’opérer selon deux axes de pénétration, parallèles entre eux. Le premier suit la trajectoire rectiligne de la raison ; le second, la ligne droite de l’inspiration, qui conduit à ce que Bergson appelle « la frange de l’intuition ».
La première approche mobilise des connaissances.
La seconde démobilise des certitudes.
Fort heureusement, dans les géométries de l’esprit, les parallèles se rejoignent.
D - Positions et propositions.
Permettez-moi maintenant quelques conseils estivaux. Ils prendront la forme des cinq préconisations que voici :
Rien de plus vain que ces petites vadrouilles. « L’intelligence, a écrit Edgar Morin, ne se trouve pas dans les quelque deux cents signes des réseaux asociaux ».
Limitez vos temps d’écran, lesquels peuvent vite se transformer en temps d’écrou pour l’intellect.
Il en restera toujours quelque chose.
Ce qui s’appelle écouter. En ne faisant rien d’autre, dans une immersion complète, dans une totale disponibilité ; laissant votre corps s’imprégner des sonorités et des rythmes.
La musique est la langue de l’âme, la langue précise de l’inconscient. On doit l’écouter de l’intérieur, là où ses successions harmoniques, mélodiques et rythmiques trouvent leur expression vivante.
Prenez des « bains de musique », comme on prend des bains de soleil. Musique « classique » de préférence : la musique des plus grands maîtres est « classique » par nature. « Classique », en effet, est le parfait équilibre des éléments de l’esprit : raison, imagination, sensibilité.
Dans certains morceaux classiques, d’une perfection achevée, on sent palpiter les mathématiques de l’âme, et ces mathématiques-là, mathématiques pures, renferment les différents codes d’accès aux Ashrams.
– Poésie de grand souffle : Saint John Perse. (« La terre entière passe dans l’œuvre de Perse ; il est comme possédé de l’univers », dit Jean Paulhan)
– Poésie de l’enfance : Supervielle.
– Poésie du surnaturel : Shakespeare ; le Shakespeare des derniers drames : Cymbeline, Le Conte d’hiver, La Tempête.
Etant entendu qu’il ne s’agit là que de simples exemples.
Toujours, poésie et musique ont raison de nos plus sombres pensées.
Et puis, quelques grands romans sur la table de chevet, pour vous accompagner dans vos voyages de la nuit. Il est doux de vivre dans l’intimité d’un grand livre, de se pénétrer de la réalité vivante de ses personnages, puis de s’endormir, sans qu’on y pense, au beau milieu d’une phrase, qui nous embarque pour des destinations inconnues.
Ces deux-là ont élaboré pour nous une métaphysique de la joie ; « Ils ont mis une majuscule à l’Amour créateur » (Henri Gouhier).
Ils nous apprennent à nous maintenir dans une atmosphère supérieure, où les contrariétés, qu’elles viennent des événements ou des hommes, ne peuvent plus nous atteindre. Ils sont de ces penseurs auxquels nous devons le plus, pour ce qui est de la confiance dans l’avenir de la terre. Promenez-vous dans leurs œuvres, comme on se promène au milieu de paysages enchanteurs. Quelques pages de l’un, quelques pages de l’autre, laissant votre main choisir pour vous.
Tous deux sont des professeurs d’énergie. En ces temps brumeux et incertains, nous avons besoin, plus que jamais, de leurs vigoureuses leçons pour nous réconcilier avec toute chose, et élever le regard.
A la lecture de ces lignes, j’entends déjà les murmures accablés de nombre de Castaliens pris dans l’étau de leurs occupations : « Des méditations, de la musique, de la poésie, de la littérature, de la philo : et puis quoi encore ! je n’ai pas le temps, pas le temps pour tout ça ! »
Mon petit doigt me dit que si ! … Si vous voulez bien prendre au sérieux la première préconisation.
Puisque j’évoquais, dans mon quatrième point, les ressources que nous procure la littérature, et tout ce qu’elle verse de joyeux dans nos cœurs, j’aimerais vous parler d’un livre redécouvert en promenant ma main au hasard sur les rayons de ma bibliothèque.
Il s’agit d’un ouvrage né de la plume d’H.G.Wells dans les années 1930.
Son titre : Star begotten. Enfants des étoiles.
Dans ce petit roman, qui se lit en quelques heures, Wells, animé d’un génie véritablement prophétique, décrit avec humour et précision, les mécanismes par lesquels une idée absurde en arrive à contaminer les cerveaux. Analyse au scalpel, analyse clinique, implacable et froide, d’un phénomène complotiste.
L’étrange objet prend naissance dans la tête d’un homme abîmé par les échecs de sa vie, et des déboires conjugaux. L’objet passe, de là, dans d’autres têtes qui présentent une prédisposition favorable à la contamination. Puis la presse s’en saisit, avec l’appui de petits savants en quête de notoriété.
Quel est cet objet étrange ? Des intelligences inconnues seraient, en secret, occupées à modifier le patrimoine génétique de l’humanité !
Dès les premières lignes, le sujet est clairement campé : « Ceci est l’histoire d’une idée et de l’action qu’elle eut sur l’esprit d’un certain nombre de gens. Cette idée germa dans le cerveau de Monsieur Joseph Davis. Elle lui vint pendant une de ces crises de neurasthénie où les idées les plus bizarres envahissent l’esprit et y trouvent créance ».
E - Terminons par une :
« Méditation pour préparer le parcours balisé vers l’Ashram ».
Elle a pour objet d’éveiller le canal intérieur du toucher.
Vous voyagez sur un rayon de lumière, qui vous emmène vers un cercle d’or.
Vous pénétrez dans ce cercle.
Autour de vous, à l’intérieur du cercle, flottent trois objets inconnus ; aux contours encore flous et imprécis : un noir, un blanc, un vert.
Vous touchez l’objet noir. Vous le touchez avec votre « main intérieure », avec votre main virtuelle, qui permet véritablement de le palper, de sentir sa consistance, sa texture, son relief.
Il paraît tiède et duveteux.
Quelle forme vient ? quelle image se précise ? à quoi ressemble cet objet ?
Vous touchez l’objet blanc.
Il est froid, rêche et rugueux, avec des aspérités. Mêmes questions.
Vous touchez l’objet vert. Il est piquant et épineux. Re- mêmes questions.
Vous poursuivez votre route sur le rayon lumineux, laissant derrière vous le cercle d’or et ses trois objets.
Puis vous faites demi-tour, pour revenir vers le cercle.
Une fois à l’intérieur, vous touchez à nouveau les trois objets.
Sont-ils les mêmes ? Ont-ils changé d’aspect ?
Avec les mains de votre imagination, vos mains virtuelles, vous manipulez maintenant ces objets afin de les mettre en contact les uns avec les autres, deux par deux.
Quand vous rapprochez l’objet noir et l’objet blanc, que vous les mettez en contact, quel effet obtenez-vous ? Quelle forme vient ? quelle figure ? quelle image ?
Renouvelez l’expérience avec les autres associations.
Un conseil : vous pouvez consigner les résultats de chaque séance sur un carnet, ou de quelque autre façon, afin d’en conserver la trace et d’observer ainsi les évolutions de cette expérience.
F - Vœux et salutation.
L’été arrive, et, avec lui, le temps de l’otium.
Puissiez-vous en tirer le meilleur parti ;
et que l’automne nous voit revenir au Forum, pour vivre ensemble les dernières saisons de Castalie.
Votre instructeur attentif.
JDR
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Méditation sur l’impermanence des choses.
Faut-il suivre certains philosophes dans les sombres réflexions que leur inspire « la douloureuse impermanence des choses » ?
Nous vivons dans un univers dont l’instabilité est la loi : on ne peut rien faire là – contre.
Toute forme est périssable, toute énergie se dissipe. Un soleil vit beaucoup plus longtemps qu’un ver luisant, mais l’un et l’autre sont transitoires, l’un et l’autre sont de passage.
Les plus belles réalisations de l’homme, les plus brillantes civilisations édifiées par lui, ne font que traverser un instant la scène.
Notre Europe, hier encore la partie la plus précieuse de la terre, la perle dans la sphère, n’est plus qu’un petit cap de l’Asie, qui se réduira bientôt au souvenir et aux vestiges que nous garderons de son ancien rayonnement.
Avez-vous entendu parler de la Lémurie et de l’Atlantide ?
De ces mondes disparus tout entiers, de ces civilisations coulées à pic avec tous leurs peuples ; descendues au fond des eaux, avec leurs dieux et leurs lois, leurs sciences et leurs langues ?
Nous apercevons encore à travers l’épaisseur du temps, les fantômes d’immenses continents qui furent chargés de richesses et d’esprit. L’abîme de l’histoire a été assez grand pour les engloutir, – alors pourquoi pas les nôtres ?
Eux aussi passeront.
Cette impermanence générale des choses, de quel œil convient-il de la contempler ?
D’un œil judéo-chrétien ?
En y voyant comme une malédiction qui aurait frappé l’univers à ses débuts ?
D’un œil bouddhiste ? en la tenant pour une incitation urgente à nous détacher ?
Ou encore, d’un œil d’artiste, qui nous invite à nous pencher sur le parfum d’un vase vide ? à saisir la beauté du fugace, le mystère de l’évanescence ; – à capturer vivante une sensation qui passe.
Ecoutons Supervielle :
« Saisir !
Saisir quand tout nous quitte,
Saisir enfin le jour,
Le tenir remuant
Comme un lièvre vivant ! »
Cette saisie de l’éphémère est sans doute l’objet de tout art véritable.
M’étant penché cette nuit à la fenêtre,
je vis que le monde était devenu léger
j’allais rendre grâce à la fraîcheur de la terre,
sur les pas de la lune je dis oui et je m’en fus.
(Philippe Jaccottet)
Ce sont là de parfaits exemples de ce que Julien Gracq appelle « des poèmes à basse teneur en calories », c’est à dire allégés au plus juste, et très précisément conçus pour l’étreinte d’une sensation volatile.
Je crois bien, en effet, que ce qui nous inspire nos plus belles et nos plus délicates émotions, vient précisément du sentiment que nous avons de la fragilité et de la brièveté des choses ; de notre sensibilité à l’égard de l’éphémère ; du charme que dégage pour nous ce « monde flottant » dont parlent les poètes japonais.
De là, notre capacité à capter la saveur d’un instant, l’essence d’un moment qui ne reviendra jamais, le mystère proustien d’une impression furtive qui ne se renouvellera qu’à travers d’exceptionnelles coïncidences. Cette minute banale, les fines gouttelettes de sensations qu’elle transporte, pour peu que j’arrive à les arracher à ma négligence, j’en capture la singularité, et elles se chargent aussitôt pour moi d’un goût incomparable.
En comparaison de cela, qu’aurions-nous à faire d’un cosmos invariable et stationnaire, d’astres immobiles et de cieux immuables ?
Un monde où toute chose resterait ce qu’elle est à l’infini, où nos sentiments demeureraient ce qu’ils sont à perpétuité, pourrait-on imaginer rien de plus lassant, rien de plus désespérant que d’y passer son éternité ?
A méditer…
Je vous adresserai prochainement une grande épître de rentrée, la treizième.
« La Treizième revient, et c’est encore la Première » (Nerval)
Votre instructeur.
JDR, du Verseau.
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Epître météorologique.
So foul a sky clears not without a storm. (Shakespeare. King John.)
« Un ciel si encrassé ne s’éclaircit pas sans tempête. »
C’est vers la constellation du Verseau qu’aujourd’hui nous sommes emportés, et les rayons émanés de ses soleils commencent à nous éclairer.
Tout nous en avertit : nous touchons au seuil d’un Jour nouveau ; nous assistons aux premiers frémissements d’une Aube naissante.
Devant nous, tout prend un air de promesse et de mystère. Bien des interrogations qui occupent encore notre esprit n’auront bientôt plus qu’un intérêt archaïque ; d’autres questions, insoupçonnées, viendront sans doute prendre leur place. Il va falloir nous engager sur des pistes inconnues. Il s’agit de les aborder avec le plus clair des regards.
En conséquence, j’aimerais placer cette épître sous le signe d’une vision, – celle qui vint à Pascal au lendemain du « miracle de la Sainte Épine » : Un œil d’azur entouré d’un cercle d’or.
Voici quelques réflexions que je souhaite partager avec vous dans le sillage de cette vision.
Il y a, dans ce monde, des menteurs et des manipulateurs ? des spéculateurs et des profiteurs de la misère ? La belle découverte que voilà ! La belle nouveauté ! Je vous propose, à leur égard, d’adopter ensemble cette conduite, qui me paraît à la fois saine et éthique : ayons pitié d’eux ! Ne sont-ils pas nos frères ? Malheureux comme nous, impuissants comme nous, faits de la même chair périssable et douloureuse que la nôtre, – ils mourront seuls, comme nous tous.
Et puis, n’oublions jamais la perle, couleur d’azur, dissimulée dans la dure coquille…
« Quiconque, à quarante ans, n’est pas devenu misanthrope, n’a jamais regardé les hommes » : cette sinistre parole de Chamfort, certains ont trop vite fait de la jeter à la tête de ceux qui font profession d’aimer l’humanité et de se dévouer pour elle : « c’est que vous ne l’avez pas bien regardée : elle n’est guère aimable ! »
Nous pourrions leur répondre : c’est vous qui ne l’avez pas bien regardée, c’est vous qui ne savez pas découvrir ce qu’elle est vraiment sous ses apparences décevantes, c’est vous qui vous précipitez vers tout ce qu’il y a de plus blessant, pour vous y cogner et vous y meurtrir.
Les êtres qui vous paraissent les plus affligeants, ne font que vivre momentanément sous le fardeau d’un karma trop chargé, et de l’environnement défavorable, voire détestable, qu’il a créé autour d’eux. Vous savez bien qu’il n’est pas si humble plante qui ne soit capable de fleurir, pourvu que les circonstances s’y prêtent, que le sol, que les soins, le climat… Vous accusez les gens ; je n’accuse que leur passé, et j’ai confiance en leur avenir.
Il convient, en outre, de se rappeler que l’humanité n’en est qu’à ses débuts, encore toute chancelante et mal équilibrée comme un enfant qui fait ses premiers pas, et prise de vertige devant l’espace à franchir.
Quelle tristesse, si nous devions prendre congé du monde en emportant avec nous toute cette obscurité mêlée d’amertume !
N’est-ce pas nous, et nous seuls, qui décidons et sommes responsables de l’orientation de notre regard, et de la sélection qu’il opère dans la touffe énorme des faits et des événements ? Pourquoi faudrait-il avoir tant de fascination pour les recoins obscurs ? et si peu d’attention portée aux clairières lumineuses ? Rien ne nous oblige à céder à cette pente qui conduit à la tristesse et à l’amertume.
Il est toujours possible de se ronger les ongles en songeant à certains méfaits de la mondialisation, et de tonner d’indignation assis seul dans son canapé. On peut toujours entrer en ébullition devant les abus et les manigances des êtres qui nous gouvernent, et rêver d’une citrouillification de Macron et de ses semblables. Cela fait-il d’un millimètre bouger les choses ? En revanche, cela fait de notre aura le foyer avéré d’une irradiation nocive.
Une toute autre attitude est possible, car nous avons tout loisir de contempler le chemin parcouru par l’humanité depuis ses débuts, et les belles réalisations accomplies, et les promesses qui sont devant nous, et les exemples de dévouement admirable dont se rendent capables certains êtres qui témoignent de la bonté de l’homme. Cela ne fait toujours pas le moindrement avancer la marche du monde, mais cela fait de notre aura un foyer de clarté et de vitalité pour tous ceux qui nous approchent.
Et croyez bien que je m’inclus personnellement dans cette exhortation ; car toute parénèse est également destinée à celui qui la donne.
Aussi, lorsque de pareils épisodes nuageux viennent à me traverser, je m’efforce de comprendre leur origine, intus et in cute. Je tâche d’en discerner les causes, sans autre lumière pour me guider que celle de la pure observation.
Il me semble les trouver souvent dans une perte de vitalité psychique, dans une sorte d’étiolement du mental, – ou dans quelque défaillance momentanée de mon « immunité émotionnelle ». Alors je demande aussitôt à la méditation et à la musique de m’apporter le concours et le secours de leurs énergies.
Très vite, elles provoquent un presque complet éclaircissement de l’atmosphère. Très vite, ma foi en l’homme se ranime ; tout en moi reprend confiance et se redresse ; mon ciel intérieur retrouve sa sérénité naturelle : temps splendide…La Joie n’est-elle pas l’état normal de l’âme ?
Nous ne faisons ici qu’appliquer la leçon de Goethe, que « la Joie est ce qui permet à l’homme de développer sa propre excellence » ; et que la tristesse n’est qu’un voile enveloppant la personnalité et la privant temporairement des bienfaits découlant de cet état.
Musique et méditation, étroitement et subtilement associées, nous élèvent peu à peu au-dessus de cette zone d’obscurité où nous nous sommes enfermés, et nous montrent « ce qui se passe au ciel ». Elles nous permettent de voir plus loin que le bout de nos écrans.
C’est ici où, pour reprendre l’éclairante distinction de Max Weber, « l’éthique de la responsabilité l’emporte sur l’éthique de la conviction ».
Il ne s’agit pas, vous l’aurez compris, d’un choix entre le faux et le vrai (le « vrai », qui peut dire qu’il en est possesseur ? Dans ce domaine, tout n’est qu’incertitude et controverse), mais bel et bien d’un choix entre le laid et le beau, ou encore, si vous préférez, entre le stérile et le fécond.
Et là, notre instinct ne saurait nous tromper : il est beau, en effet, il est fécond et profitable de méditer sur la naturelle noblesse de l’homme, sur ses puissances de progrès, sur ses aptitudes à aller vers toujours plus de maîtrise de son environnement, sur les miracles d’inventivité dont il est capable pour y parvenir. Il est laid, en revanche, il est stérile d’attarder nos regards sur ses plaies, sur ses infirmités du moment, sur ses difformités temporaires.
C’est du côté de l’avenir qu’il fait bon respirer, et il y a de quoi désespérer si le regard prétend s’arrêter au présent seul, à la seule actualité.
Je prends personnellement ma part de cette tentation de l’instantané – de « l’arrêt sur image » – , et je reconnais renfermer au fond de mon cœur des réserves d’exaspération à l’encontre de nombre de figures politiques contemporaines. Je me sens souillé, je me sens rabaissé à chaque fois que je songe à leur épaisse médiocrité : il y a là quelque chose d’opaque qui laisse la conscience mal à l’aise.
Aussi je préfère de beaucoup vivre au contact de mes enthousiasmes, tels que les éveillent en moi les personnages et les personnalités qui font mon admiration. Il me semble alors me plonger dans un flot d’eau claire.
J’avoue de même (c’est décidément l’épître des confessions !) avoir des difficultés à m’incliner devant certaines décisions absurdes de nos dirigeants, à donner mon consentement à certaines restrictions de nos libertés. Je ne peux m’empêcher d’y voir l’exaspérante et inquiétante manifestation de la libido dominandi, de cette « mégalomanie des chefs qui entraîne le malheur des peuples ». Il est difficile à mon cœur, devant ces faits, de ne pas bondir ; et dès que ma pensée se laisse aller, c’est vers l’agacement.
Mais lorsque j’analyse l’irritation que cela fait naître en moi, je ressens aussitôt l’aigreur qu’elle contient – cette « aigritude » que les stoïciens tenaient pour l’émotion la plus basse – ; je la ressens comme un recroquevillement de l’être, qui me déconcerte et m’afflige. Je la ressens comme une succession d’ondes négatives, qui s’enchaînent et m’enchaînent. Je m’efforce alors de mettre en vibration le mantra contenu dans cette merveilleuse stance du Livre des Soleils : Lève la tête, ô disciple ! que la grande rose de lumière tourne à ton front serein. »… et cela m’aide à m’extraire du bourbier des formes-pensées alourdissantes où je commençais à patauger.
Ou bien encore je médite sur tout ce que mon âme veut bien me présenter de plus beau en provenance de son univers ; sur les plus harmonieux objets des mondes intérieurs ; sur « la beauté ordonnée, pleine de grâce et d’énergie » des Lotus égoïques ; sur la perfection achevée des Formes idéales peuplant le ciel du mental.
Il m’arrive, devant ces splendeurs, de tomber dans une sorte de contemplation émerveillée, d’extase éveillée ; je sens que ma pensée s’élève graduellement, et que le point de vue se fait de plus en plus large, sur un paysage intérieur de plus en plus vaste et lumineux .
Je concède que c’est indépendamment de notre volonté que les pensées en nous se forment et se développent ; que les plus drues et les plus vigoureuses sont celles qui s’enracinent, non pas dans nos raisonnements, mais dans nos passions ; et que les plus chargées de colère sont celles qui se laissent le plus malaisément extirper.
Je concède tout ce qu’on voudra, mais j’ai en moi cette conviction que nous ne sommes pas les jouets dociles de nos émotions ; que, par la musique et par la méditation, nous avons les moyens de les élever peu à peu dans un air raréfié, et de leur faire grimper les pentes du monde astral ; qu’au contact de ce que la vie nous propose de plus stimulant, qu’au contact tout particulièrement de l’art, et aussi de la nature et des spectacles qu’elle nous offre, nous pouvons progressivement les délester, ces émotions, de leur poids de colère, et les débarrasser ainsi des mauvaises vapeurs, des vapeurs orageuses qu’elles pouvaient contenir.
Il se pourrait que cette voie-là se révèle d’une redoutable efficacité : que ceux qui craindraient de changer se méfient !
Concluons.
Nous souhaiterions parfois de vivre dans la peau de quelqu’un d’autre : mais nul besoin de déménager ! Car nous avons en nous toutes les ressources nécessaires pour mettre fin au dérèglement climatique de nos humeurs.
A ceux qui doutent si cela est possible, je dis : où donc avez-vous pris qu’on ne peut changer de climat émotionnel ?
On le peut ! Nos émotions sont semblables à des nuages aux contours vaporeux et changeants, constamment modifiés et modifiables au gré des ambiances et des circonstances ; de sorte que la volonté la plus vigilante peut progressivement les réarranger, pour que le « ciel » de notre aura apparaisse plus dégagé et laisse une plus large place à l’azur.
Oui, on peut changer le climat intérieur dans lequel nous baignons – la « météo » de nos humeurs – ; à moins qu’au plus profond de nous-même nous ne soyons secrètement satisfaits de nous sentir offensés et malheureux…
On peut changer ! Les mots mêmes dont nous nous servons le suggèrent. Qu’un même mot : « Amour », désigne à la fois la concupiscence et la charité, le désir et le don, l’attachement égoïste et l’élan désintéressé, le « fil à la patte » et l’énergie qui libère, cela n’est-il pas là pour nous rappeler, cela n’est-il pas le signe qu’une évolution est toujours possible, qu’un glissement peut toujours s’opérer en chacun de nous, de la forme la plus basse de l’amour vers sa forme la plus élevée ?
Oui, on peut changer ! Il suffit de s’y mettre, d’amorcer le mouvement ; ensuite, la force qui s’acquière en marchant entrera en action, et notre âme pourra enfin nous délivrer ce bulletin : « Aura ensoleillée, avec un ciel clair parsemé seulement de quelques nuages ».
« Mais que le chemin semble long pour y parvenir ! », se désoleront certains. Certes, il est long aux yeux de nos personnalités à vie brève ; mais il faut croire dans la lente accumulation de tout petits et modestes progrès. « A quel âge devient-on vieux ? » demandait-on un jour au Maître Zeng-Hé. -« Quand on ne croit plus pouvoir progresser », fut la réponse du vénérable Singapourien.
Quand bien même nous ne pourrions avancer – comme ces damnés de Dante – que « d’un pas tous les cent ans », cela vaudrait encore la peine, cela justifierait encore de nous mettre en route !
Tous les efforts de nos plus lumineux philosophes n’ont finalement tendu qu’à un seul but : inciter au relèvement des regards, afin d’aider au redressement des passions.
J’ai cherché dans cette épître à vous faire comprendre en quoi, pourquoi, cette opération est si importante et si libératrice.
Terminons avec un peu de légèreté, par une méditation sur le thème : « Il y a deux mille ans ».
Les astres ne restent jamais oisifs, certains changements sont inscrits dans la carte du ciel : il y a deux mille ans, à Alexandrie, dans le crépuscule des soleils du Bélier, Antoine et Cléopâtre mettaient fin à leur « vie inimitable ». Avec Antoine, c’était une certaine idée de Rome qui mourait ; idée antique et mystique, nourrie d’influences orientales.
Avec Cléopâtre, la vénérable Egypte des Pharaons sortait de l’histoire. C’est que, durant ces années-là, le Nil semblait avoir oublié de gonfler ses eaux ; des épisodes de sécheresse, générateurs de famine, s’en étaient suivis. Et pourquoi donc cet oubli, de la part du Fleuve-Dieu ? En raison d’une série d’éruptions volcaniques survenues à dix mille kilomètres de ses sources : au Mexique !… N’oublions jamais que la Terre est Une.
Et puis, vers l’an trois avant Lui-Même, un divin enfant naissait.
Un enfant très spécial, dont la venue avait été annoncée, non seulement par les Livres des Juifs, mais aussi par le poète Virgile, qui n’avait cependant jamais perçu le moindre écho de cette tribu repliée dans un petit canton de l’Empire.
Sa quatrième Eglogue est troublante : « Un enfant naissant sous le signe de la Vierge, et par lequel cessera la race de fer… Et si quelques traces de nos crimes subsistent, ces traces, rendues par Lui sans effet, libéreront la terre d’un fardeau d’iniquité ».
Bientôt, le très avisé Auguste nommera dans ce canton de Judée un nouveau procurateur, un certain Pontius Pilatus, qui ne tardera pas à avoir sur les bras une bien vilaine affaire…
Et si ce fonctionnaire, au lieu de se défausser de la plus lâche des manières, avait relaxé l’agitateur ? Le christianisme, « cette histoire d’Amour », ne se serait pas répandu sur la terre…Etrange uchronie, à laquelle Roger Caillois nous invite à méditer dans l’un de ses romans.
Durant ce temps, Rome achevait d’accoucher de son Empire : accouchement dans les troubles : on voyait Séjan trahir Tibère, puis être trahi à son tour par Macron ; lequel lui dérobait son poste de préfet du prétoire et préparait la voie à Caligula… Et tout ce petit monde en venait à s’entrégorger au milieu des ruines et des incendies.
Il faut toujours une tempête pour nettoyer un ciel encrassé.
Tout cela se déroulait il y 2000 ans.
Nous vivons un temps de rupture comparable.
Il y a 2000 ans, en ces temps tourmentés, bien des hommes étaient en quête d’un supplément d’âme, d’un accès à la transcendance, au salut. Ils pensaient les trouver dans des courants mystiques venus d’Orient, qui les fascinaient.
Et l’on voyait aussi fleurir d’innombrables petites communautés ferventes, fraternelles, favorisées d’un enseignement jusqu’alors réservé aux initiés.
Ce cycle est-il immuable ? est-il propre à l’humanité ? Est-ce une constante historique ? astrologique ?…
Il nous faudra repasser dans deux mille ans pour y voir plus clair.
JDR, du Verseau.
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