Cours du 14 décembre 2020
24 décembre 2020
Thème du cours : Beethoven
Ce qui frappe chez Beethoven, c’est ce que j’appellerai l’énormité de l’âme. Elle surgit de sa musique, dit Romain Rolland, comme une fleur de nénuphar géante qui déploie sa corolle et nous communique un sentiment de plénitude océanique.
On peut dire que Beethoven a pratiqué la musique comme un yoga ; avec la même rigueur ascétique qu’un Raja Yogi ; c’est à dire avec une formidable concentration d’esprit. Chez aucun de ses prédécesseurs, cette focalisation du mental n’avait atteint un tel degré de puissance et de continuité. L’idée qu’il tenait, il ne la lâchait plus. C’est l’ekāgratā des yogis.
Aucun musicien n’excelle comme Beethoven à peindre l’espace et la profondeur des mondes intérieurs. Il possède l’art de traduire tout ce qu’il y a d’immense, d’illimité et de vertigineux dans ce que nous appelons l’univers des Ashrams, le cinquième règne de la nature.
Cela se manifeste, avec un éclat tout particulier, dans la grande méditation de l’Opus 106 – la sonate pour piano n° 29 – que Gide comparait au narthex d’une cathédrale.
En 1802, il dit : « je veux ouvrir un nouveau chemin ». Et peu après paraissent les trois sonates Opus 31, dont la magnifique et mystérieuse sonate récitative, connue également sous le nom de « La Tempête ».
Trois sonates, qui par leur originalité, déroutent les critiques de l’époque ; et dont la singularité de style fait hérisser les perruques. Les pontifes musicaux les trouvent bizarres. Ils n’entendent pas l’esprit qui souffle au dedans, et qu’on pourrait appeler la vibration du Moi, la vibration de l’âme.
C’est que Beethoven ne cherche plus du tout l’effet extérieur : tout l’effet produit maintenant vient de l’intérieur. C’est la substance même de la vie intérieure, et ses mouvements mystérieux, qui nous sont rendus sensibles et accessibles à travers ses œuvres.
Claudel dit quelque part que : « Tout Beethoven est une étude expérimentale des différents mouvements de l’âme ».
La belle et profonde humanité de ces sonates reste comme un témoignage de ce que l’Europe a pu offrir de meilleur. Elles contiennent quelque chose que Beethoven et Goethe ont aperçu au seuil du XIXème siècle. Une lumière… Tout un monde intérieur de beauté… Le Royaume de l’âme. Ces trois sonates ouvrent vraiment un nouveau chemin à la musique.
Image : Beethoven peint autour de 1805 par Kloeber