Cours du 27 novembre 2017

18 janvier 2018

Thème du cours : Les mystères du théâtre et de la peinture

Extrait : les grands acteurs

Un très grand acteur atteint, par moments, un état qui s’apparente à la sainteté ou à la prise d’une haute initiation. En s’identifiant totalement à son personnage, il se défait de son caractère le temps de la représentation. Jouvet disait : « Il se sépare de lui-même durant la représentation. »

La pièce terminée, l’acteur quitte son personnage. Et, avant que la personnalité ait été réintégrée, il peut s’écouler quelques secondes. C’est un temps très bref où l’acteur se recueille dans sa loge, souhaitant que personne ne vienne l’y déranger. Dans cet intervalle, l’acteur se retrouve dans une espèce de vide que l’âme met à profit pour l’envahir.

C’est très exactement l’état qu’atteignent les grands disciples, les saints et ceux qui prennent les hautes initiations. Évacuation totale de la personnalité, vidange complète du moi. Ne subsiste qu’une sorte de cocon vide, l’enveloppe de la chrysalide. Et comme la nature a horreur du vide, quelque chose va y prendre place. L’âme va envahir cette enveloppe vide, l’emplir de sa lumière, de son énergie.

Dans ces instants-là, le visage de l’acteur témoigne de l’espèce de possession divine qui s’opère en lui. Son visage reflète la sérénité, la sagesse de son âme immortelle. Il apparaît « tel qu’en lui-même l’éternité le change », comme dit Mallarmé. Tel qu’en lui- même l’éternité le changera au moment de la mort. Il est débarrassé de tous les problèmes de la vie incarnée. Mauriac nous parle du visage beau et noble que la dernière heure inscrit en nous.

Image : Louis Jouvet dans le Dom Juan de Molière